MOINS DE NEIGE EN HIVER, PLUS D'AVALANCHES AU PRINTEMPS
D'APRES
les modèles de
Météo France, le réchauffement climatique aurait
un impact important sur l'enneigement. En moyenne montagne, les périodes
de sports d'hiver pourraient être écourtées.
MALGRE
les nombreuses études menées sur le terrain, malgré
la mise en oeuvre de techniques d'observation très pointues faisant
appel au rayonnement synchrotron, les chercheurs peinent toujours à
prévoir les avalanches qui, chaque année, tuent en moyenne
trente personnes en France.
S'AJOUTENT aujourd'hui
à leurs interrogations de nombreuses questions quant aux effets
d'un réchauffement global de la planète sur le manteau
neigeux et les coulées de neige qui pourraient éventuellement
en résulter. En basse et moyenne montagne, la baisse probable
de l'enneigement et le raccourcissement de la " saison du blanc
" devraient diminuer d'autant le risque avalancheux. AU PRINTEMPS,
en revanche, lors du redoux, les coulées dites " de fonte
" pourraient être légèrement plus nombreuses
et plus précoces.
LE DEFICIT de
flocons dont ont souffert, au début des vacances de Noël,
les stations de sports d'hiver de moyenne montagne préfigure-t-il
ce qui deviendra la norme dans les prochaines décennies ? C'est
ce que prédisent les modèles du Centre d'études
de la neige (CEN) de Grenoble de Météo France. Ceux-ci
prévoient, si rien n'est fait pour réduire les émissions
de gaz à effet de serre, une saison d'enneigement plus tardive
et plus courte.
DEJA,
les mesures de hauteur de neige effectuées, depuis quarante ans,
sur le site expérimental du col de Porte, dans le massif de la
Chartreuse, font apparaître " une tendance à la baisse
", indique Eric Martin, responsable de l'équipe. Ces observations
sont toutefois trop fragmentaires pour permettre de conclure à
une diminution générale de l'enneigement. Elles révèlent
surtout " une très grande variabilité naturelle ",
qui a fait succéder à la pénurie d'or blanc de
la fin des années 80 des hivers marqués au contraire par
des chutes inhabituelles de flocons de neige.
LE
RECHAUFFEMENT
climatique annoncé par les scientifiques pour le siècle
prochain risque, en revanche, de "perturber fortement le manteau
neigeux ", préviennent les chercheurs de Météo
France. Ces derniers ont retenu l'hypothèse d'une hausse moyenne
des températures de 2 C en 2050, et intégré ce
nouveau paramètre à leurs modèles : le système
d'analyse des conditions météorologiques en montagne Safran,
et le logiciel de simulation de l'évolution de la couverture
neigeuse Crocus, couplé au premier. " L'enneigement à
basse altitude serait fortement touché ", conclut le CEN.
Les Alpes du Nord verraient ainsi la saison blanche écourtée,
dans les stations de moyenne montagne, de 20 % à 25 % de sa durée
actuelle, soit environ 30 jours.
La perte atteindrait 30 % à 40 % dans les Alpes du Sud, pour
culminer à 45 % dans certains massifs pyrénéens.
Au-dessus de 2 500 mètres, le domaine skiable serait " relativement
préservé " : un climat plus chaud est aussi plus
humide et des précipitations neigeuses plus abondantes en haute
montagne compenseraient, en partie, une fonte printanière accélérée,
si bien que la perte ne serait que de l'ordre de 10 %.
LES CHERCHEURS
grenoblois, dont la mission
première est la prévision du risque d'avalanche, ont voulu
savoir si celui-ci en serait modifié, et de quelle manière.
Ils ont associé aux deux premiers logiciels le système
expert Mepra, qui analyse la stabilité du manteau neigeux, et
ont défini un indice d'activité avalancheuse de référence,
pour chacun des massifs alpins. Ils ont ensuite recalculé cet
indice, en supposant une hausse des températures de 2 C et une
augmentation des précipitations hivernales de 10 %. " Globalement,
l'impact d'un réchauffement climatique sur le risque d'avalanche
naturelle au cours du prochain siècle serait assez faible ",
constate Eric Martin.
Le
MOINDRE ENNEIGEMENT
aurait pour conséquence
générale - ce qui paraît logique - de réduire
la probabilité de déclenchement de coulées intempestives.
D'autant que le radoucissement des températures aurait pour effet
de stabiliser plus rapidement le manteau neigeux, le froid provoquant
au contraire la formation de couches mal consolidées. Dans le
scénario étudié, le nombre de journées à
risque d'avalanche " fort " ou "modéré
" diminue ainsi de 16 % en moyenne, sur l'ensemble des massifs
alpins. Le tableau est toutefois contrasté : la diminution du
risque est très significative pour les reliefs peu élevés
du Vercors (- 34 %), de la Chartreuse (- 32 %) ou des Bauges (- 26 %),
mais elle est plus faible à plus haute altitude, comme dans le
massif du Mont-Blanc (- 10 %), le Beaufortin (- 7 %) ou la chaîne
de Belledonne (- 5 %).
PHASE
DE REDOUX
Encore faut-il distinguer entre
les DIFFERENTS
TYPES D'AVALANCHE.
C'est ce qu'ont fait les experts de Météo France, en prenant
comme cas d'école le massif du Mont-Blanc. Les coulées
de neige fraîche, survenant pendant ou immédiatement après
une chute de flocons, voient leur risque d'occurrence baisser. En revanche,
celles de fonte, qui se produisent lors des phases de redoux et surtout
au printemps - et qui sont les plus nombreuses -, voient leur probabilité
augmenter légèrement, en même temps que leur pic
d'intensité est anticipé de quelques semaines.
Les modèles, qui ne prennent en compte que les avalanches spontanées,
ne disent rien, toutefois, du danger le plus redoutable en montagne
: les avalanches dites " de plaques ", souvent déclenchées
accidentellement par le passage d'un skieur. La rupture de ces plaques,
formées généralement sous l'action du vent qui
dépose des strates de neige très compacte mal solidarisées
avec les couches inférieures, est à l'origine de la plupart
des morts par avalanche.
"Au stade actuel de nos études, il n'est pas possible de
préciser l'impact d'un changement climatique sur le risque d'avalanches
accidentelles ", précise Eric Martin. Tout au plus peut-on
imaginer - mais il s'agit alors de projections comportementales - que
les adeptes de la randonnée alpine devront aller chercher la
neige plus haut, c'est-à-dire plus près des crêtes...
là où la menace des plaques à vent est la plus
forte.
Les ordinateurs restent tout aussi impuissants à prévoir
l'incidence des modifications du climat sur la fréquence des
événements avalancheux extrêmes, tels que la gigantesque
vague poudreuse qui, le 9 février 1999, avait soufflé
quatorze chalets dans la vallée de Chamonix et enseveli douze
personnes, à la suite de chutes de neige exceptionnelles.
"Ces épisodes, soulignent les scientifiques , sont liés
à des situations
météorologiques EXTREMES
(fortes précipitations et températures basses),
dont l'évolution n'est pas prévisible dans l'état
actuel des connaissances."
PIERRE
LE HIR
Droits de reproduction et de diffusion réservés. ©
Le Monde janvier, 1999. Usage strictement personnel. L'utilisateur du
site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence de droits
d'usage, en accepter et en respecter les dispositions. Lire la Licence.
